Si plusieurs études soulignent les bonnes perspectives de croissance de la Robotic Process Automation, les déploiements se font en douceur et uniquement dans quelques secteurs. La France se place dans la moyenne des pays convertis à la RPA.
Qu’elles se situent au plan national, européen ou mondial, les analyses des experts tablent sur une explosion de la Robotic Process Automation. Les prévisions les plus optimistes voient le marché passer de 1,6 milliards à 25,6 milliards de dollars d’ici 2027. Dans cette embellie mondiale, la France se distinguerait par son dynamisme. IDC par exemple estime qu’entre 2019 et 2023 les entreprises françaises auront plus que triplé leurs dépenses liées à la RPA. En 2023, le marché hexagonal devrait alors peser 160 millions d’euros, soit une croissance annuelle moyenne de 45 % sur la période.
Outre le boom du télétravail, cette vitalité est portée par l’intérêt des grandes entreprises pour la RPA, en particulier dans des domaines où l’usage de robots permet de contourner l’obsolescence d’antiques systèmes d’information, comme celui du secteur bancaire dans lequel de nombreuses applications centrales fonctionnent encore avec le langage Cobol.
Alexis Vernières
Domaine bancaire
« Pour assurer la conformité des projets, les robots sont capables d’aller rechercher des informations dans les systèmes historiques mais aussi dans de multiples sources qui ne sont pas forcément internes. Le domaine bancaire est particulièrement concerné », souligne Alexis Vernières, VP sales Italy, France & Iberia chez Kofax. L’attrait de la RPA pour le secteur bancaire s’explique également par la facilité d’automatisation des processus.
« En raison du grand nombre de process que l’on peut trouver au cœur de leurs métiers, les services financiers ont été les early adopters du RPA. Plus on se rapproche du cœur de métier d’une entreprise de services, plus on y trouve des process relativement simples à orchestrer, alors que les process complexes, par exemple ceux du monde de la supply chain, restent en général éloignés du mode de services. Les secteurs de la finance et de l’assurance se sont donc emparés très tôt de l’automatisation de leur processus », explique Maxime Laugier, area VP sales UiPath France.
Maxime Laugier
Secteur public
Ces industries tertiaires ne sont pas les seules à vouloir réduire leurs coûts, améliorer leur efficacité et différencier l’expérience de leurs utilisateurs. « Le secteur public exploite de plus en plus la RPA, en particulier les collectivités locales et territoriales qui cherchent à fournir de meilleures expériences de l’usager. Le secteur de l’assurance, confronté à la gestion des risques de conformité, est lui aussi très demandeur de cette technologie », souligne Frédéric Massy, directeur marketing d’Itesoft.
Plus généralement, là où le BPM ne parvient pas à automatiser, la RPA s’impose en dernier recours. « Le BPM et la RPA reposent sur des fondamentaux diamétralement opposés : alors que le BPM délivre son plein potentiel dans des environnements informatiques modernes riches en API et web services, la RPA présente au contraire l’essentiel de sa valeur ajoutée dans des environnements obsolètes pour lesquels l’utilisation d’API n’est pas la norme et qui reposent sur des interactions graphiques », rappelle dans une tribune Benoît Mazzetti, CEO et co-fondateur de StoryShaper.
L’automatisation robotique des processus n’est pas pour autant vouée à disparaître une fois tous les systèmes d’information modernisés. Non seulement elle s’impose comme une complémentarité du BPM en se connectant au moteur d’exécution de ce dernier pour faciliter et fluidifier les automatisations, mais sa main-d’œuvre numérique excelle dans la capture d’informations et la détection de fraude.
Une homogénéité européenne mais des freins mondiaux
Malgré ces capacités, les projets ne fleurissent pas encore en France. Il y a d’abord la maturité du marché qui place l’Hexagone dans la moyenne européenne. « Comparé à l’Europe du Sud, le marché français de la RPA est plutôt en avance, mais il l’est moins si on considère les marchés de l’Angleterre et des Pays-Bas. On observe néanmoins une certaine homogénéité au niveau européen, avec une grosse proportion de clients qui réalisent des robots individuels destinés à des tâches assez simples », constate Alexis Vernières.
Il a ensuite les freins inhérents aux premiers déploiements. Un récent rapport de Forrester indique que plus de la moitié des programmes RPA dans le monde emploient moins de 10 robots et que moins de 19 % des installations RPA sont à un stade avancé de maturité. Selon le cabinet, des initiatives d’automatisation fragmentées, un patchwork de fournisseurs, des modèles de gouvernance incomplets et des tentatives d’automatisation de tâches trop complexes bloquent les programmes des entreprises.
Frédéric Massy
Favoriser les compétences internes
S’il est recommandé de favoriser les compétences d’automatisation en interne, l’entreprise peut difficilement se passer de l’expertise des prestataires pour lancer ses premiers projets. « Plus la gouvernance de l’entreprise est forte en ce qui concerne l’automatisation, plus les projets de RPA sont rapides en termes de time to market. Néanmoins, les entreprises moins matures sur le sujet avancent par étapes. Notre rôle est alors de les accompagner, les éduquer et les aider dans l’organisation de centres d’excellence pour mieux apprécier la technologie et mieux l’embarquer », souligne Maxime Laugier.
Le plus dur est d’accorder tous les métiers de l’entreprise sur un modèle de gouvernance commun, relève Forrester. Une fois cela fait, la mise en place de centres de compétences centralisés ou fédérés devrait consolider la conduite des projets. « Les clients ne sont pas autonomes dans leur premier projet même s’ils bénéficient de formation sur les outils et la façon de créer des robots. Les accompagner dans leur phase de démarrage est essentiel, mais il faut aussi qu’ils soient partie prenante. Lorsque le premier projet est réalisé, l’autonomie est quasiment acquise… et les robots se multiplient. C’est d’autant plus vrai pour les clients qui ont créé un centre de compétences permettant de disposer de personnes référentes au sein de leur entreprise », indique Alexis Vernières.
Un petit goût de base de données Access
Les spécialistes sont unanimes, les organisations qui tentent de développer leur programme RPA doivent surmonter les obstacles liés aux processus, à la gouvernance et à la culture. « Lorsque les premières briques ont été posées, il faut savoir comment piloter, intégrer et maintenir le projet. Quand la RPA est utilisée de manière transverse, comme un outil de connectivité entre applications, on constate que les métiers développent dans leur coin leurs propres robots. Le défi est alors de structurer cette multitude de projets. Cela ressemble à ce que l’on a déjà observé historiquement autour des bases de données de type Access… Il faut trouver un équilibre entre une vision centralisée et des projets qui sont réalisés ça ou là dans l’entreprise, mais cela nécessite plus de ressources que certains ne l’auraient anticipé », souligne Frédéric Massy.