Armand Angeli, Président du Groupe International de la DFCG, association nationale des Directeurs Financiers et de Contrôle de Gestion, livre une photographie de la transformation financière.
Quel est l’objet de l’association des DFCG ?
Depuis 60 ans, cette association favorise les échanges sur tous les thèmes qui intéressent ou posent problème aux directeurs financiers et contrôleurs de gestion. Elle fédère aujourd’hui 3000 membres répartis sur l’ensemble du territoire à travers différents groupes de travail. Je préside l’un d’entre eux, le groupe CSP/RPA/IA, qui se penche sur les enjeux des Centres de Services Partagés associés à la RPA et l’Automatisation Intelligente. Nous répondons aux questions fondamentales de pilotage des projets autour des technologies digitales : faire en interne ou faire faire ? Quelles étapes ? Quelles organisations ? Quelles équipes ? Quelles localisations ? Quels outils pour automatiser et robotiser ? Quelles bonnes pratiques et clés de réussite ?
Comment la RPA est exploitée dans le monde de la finance ?
La RPA consiste à disséquer ce que fait une personne sur son clavier à longueur de journée pour réaliser une macro, autrement dit un robot, qui reproduit ce qui est exécuté par cet utilisateur. La promesse de la RPA est de remplacer partiellement une personne affectée à des tâches rébarbatives. Les secteurs de la finance et des assurances s’y prêtent particulièrement bien car la plupart des actions réalisées par un opérateur devant son écran peuvent être exécutées par des interfaces informatiques. La RPA règle alors l’absence de dialogue entre les différentes applications exploitées dans ces secteurs.
Elle évite des développements coûteux et longs pour régler ce problème de communication, en permettant à une flotte de robots conçue à partir d’une simple licence de construire des ponts entre les applications legacy. Comme la fonction finance repose sur de nombreuses tâches répétitives, les directeurs financiers ont vu d’un très bon œil l’arrivée de telles solutions et ont été précurseurs dans ce domaine. Mais cet intérêt stratégique peut aujourd’hui être retenu dans n’importe quel autre secteur où le volume de données est suffisamment conséquent et les applications peu bavardes.
Quels sont les domaines les plus propices à l’utilisation de la RPA dans le secteur de la finance ?
Les premiers candidats à l’automatisation ont été le Procure to Pay et l’Order to Cash, justement parce que ces traitements génèrent du volume et nécessitent des échanges entre différentes applications. On s’intéresse aujourd’hui à des fonctions plus complexes, comme par exemple la clôture avec le Record to Record. Plus globalement, tout ce qui concerne le KYC trouve avec la RPA des potentiels importants de productivité.
Comment s’articule la RPA avec d’autres outils dans des projets complexes ?
Au départ, la RPA a été vendue aux financiers comme une technologie simple à mettre en œuvre, sans avoir besoin de recourir à l’IT. Cette promesse a permis de développer de nombreux PoC, qui ont débouché sur la création de robots, améliorés au fil du temps par des outils d’intelligence augmentée, d’intelligence auxiliaire, puis sur l’adoption de la RPA cognitive à travers des plates-formes d’automatisation intelligente. La RPA est ici reliée à d’autres briques, en particulier des outils de Computer Vision qui permettent de déchiffrer une image et sont aujourd’hui extrêmement performants grâces aux progrès réalisés dans le deep learning.
Il y a également des outils de structuration de données comme le Natural Language Processing, qui donne aux machines la capacité de comprendre et manipuler notre langage, et tout un cortège de technologies comme l’Intelligent Caracter Recognition, le Cognitive Machine Reading ou encore l’Intelligent Data Processing. Mais, si l’entreprise ne maîtrise pas tous ses processus ni n’en connaît toutes les tâches à automatiser, elle ne sera pas en mesure d’exploiter pleinement ces nouvelles capacités. Pour rattraper son retard, elle peut se servir de Task Mining et injecter de l’intelligence dans l’optimisation de ces processus.
Quel est le taux d’équipement des entreprises financières françaises en RPA ?
Entre 10 et 15 % seulement des grands groupes ont mis en place des applications de RPA comportant au moins une douzaine de robots. Dans les entreprises plus modestes, on tombe à 2%.
Comment expliquez-vous ce sous-équipement ?
La réussite d’un projet de RPA est plus difficile qu’il n’y paraît et rapporte beaucoup moins que prévu. Car la RPA a d’abord un coût. En plus de licences plutôt abordables, il faut ajouter le codage, l’infrastructure et la maintenance, soit environ 25 000 € par robot et par an. Il faut également compter avec l’IT, puisque la RPA est un logiciel dont il faut gérer la licence et la sécurité, et donc établir des relations étroites entre les métiers et les équipes informatiques pour mener à bien les projets. Les grands groupes peuvent charger un centre d’expertise d’orchestrer ces relations mais les petites entreprises sont plus démunies. Mis bout à bout, tous ces éléments constituent une charge pour l’entreprise. Mais des solutions alternatives changent la donne, notamment les offres de Robot as a Service qui se révèlent très économiques.
Quels sont les gains qualitatifs constatés de la RPA ?
À l’inverse d’une promesse commerciale qui vante une automatisation à 80 % des processus, on constate que c’est finalement entre 10 et 15 % des tâches quotidiennes d’un employé qui sont effectivement automatisées. Cela veut dire qu’il n’y a pas de réduction d’effectifs mais que beaucoup de personnes peuvent être employés à des activités plus intéressantes. Une autre vertu de la RPA est de pousser à revoir, optimiser et simplifier les processus. Associée à ces nouvelles versions de processus, la RPA permet alors d’atteindre des taux de productivité de 30 % et de réduire les effectifs. Les néo banques en sont la parfaite illustration, elles qui se sont lancées dès le départ dans leurs activités avec des outils automatisés.