La promesse du process mining est de permettre l’utilisation de larges volumes de données pour analyser et optimiser les processus. Ces outils sont-ils une clé pour créer de la valeur ?
Alors que les DAF souhaitent optimiser les processus de l’entreprise pour améliorer la performance et maitriser les risques, l’explosion des volumes de données disponibles est peut-être une opportunité à exploiter.
L’affirmation est devenue un poncif : les données sont le nouvel or, le moteur de la quatrième révolution industrielle. Certes, mais la donnée n’a de valeur que si elle peut être transformée en information, valorisée en connaissances permettant d’orienter les décisions. Pour une entreprise, les données les plus facilement accessibles, et (supposément) les mieux maitrisées, sont celles qui sont collectées et stockées dans ses propres systèmes d’informations. Néanmoins, celles-ci restent souvent difficiles à exploiter, en témoignent les efforts nécessaires pour assurer la remontée régulière des indicateurs de performance. Des reporting fastidieux à produire, au bout desquels l’information remontée est parfois déjà périmée avant même d’être publiée !
De nombreuses sociétés se sont tournées vers le process mining pour tenter d’exploiter les données internes, justement afin de mieux appréhender les processus de l’entreprise. La variété des cas d’usages identifiés montre que cette technologie s’intègre dans la transformation digitale des entreprises pour mettre la donnée au service de l’optimisation des processus et de la performance des entreprises.
Le process mining : un filon à suivre pour révéler l’or que recèle les données de nos systèmes ?
La chaîne de valeur de l’entreprise est régie par des processus : prise de commande, expédition, retours, facturation, production, innovation…
Les départements en charge de leur exécution ont mis en place nombre d’indicateurs leur permettant de mesurer la performance et les temps de cycles associés aux missions qui leur sont confiées. Beaucoup d’étapes sont aujourd’hui numérisées, enregistrées dans les différents systèmes d’information et chaque action effectuée laisse des traces dans les systèmes. Ce sont ces traces numériques ou « logs » que le process mining (process science + data mining) nous propose d’exploiter.
Le process mining, c’est-à-dire « l’exploration du processus », regroupe différentes techniques d’analyse de données et d’analyse de processus.
Depuis les années 2000, nous avons assisté à l’essor parallèle des analyses des processus d’un côté, avec les techniques de Business Process Management (BPM), et les analyses des données de l’autre, avec l’émergence de la Data Science, exploitant les modèles statistiques pour faciliter l’analyse des grands volumes de données numériques. Hélas, ces deux domaines ne se parlaient pour ainsi dire pas. L’apport du process mining, selon l’expression du professeur Will Van der Aalst, l’un des précurseurs du domaine, est de créer le « chaînon manquant » entre les deux disciplines. En effet, le process mining emploie des algorithmes spécialisés permettant d’identifier des tendances, des modèles ou des corrélations entre les données, dans l’objectif d’améliorer la compréhension des processus et surtout leur efficacité.
Quels sont les champs d’application du process mining ?
Les possibilités d’utilisations du process mining sont nombreuses et peuvent se regrouper autour de trois grands domaines :
1 Comprendre et modéliser ses processus grâce aux données :
Dans une approche classique, telle que promue par les méthodes Lean Six Sigma, on commence par compiler les données pour définir et mesurer la problématique à améliorer. La donnée est en effet le point d’entrée nécessaire à toute démarche d’amélioration continue.
Dans le contexte actuel, réunir les meilleurs experts pour des ateliers présentiels est devenu une gageure et remonter manuellement des données fiables pour identifier les meilleures pratiques reste un exercice complexe : les données sont difficilement comparables les systèmes différents, les pratiques varient, et pourtant, il s’agit bien du même processus !
Un exercice de modélisation demande un effort de présentation et de validation important. Grâce aux données de nos systèmes, les algorithmes de process mining peuvent automatiser l’étape de modélisation du processus.
Le « process mining » s’appuie sur une approche exhaustive de la donnée. En se connectant directement aux systèmes à analyser, ce sont l’ensemble des « logs » qui sont utilisés pour modéliser le processus réellement exécuté. Il s’agit d’une avancée considérable ! Non seulement, on accélère cette phase, mais grâce à l’utilisation des données réelles, les résultats forment une base de discussion incontestable pour identifier les meilleures pratiques et définir une cible. L’utilisation du process mining permet de relier les données au processus. En rassemblant les différents indicateurs d’exécution, on peut obtenir la vision nécessaire pour structurer sa démarche d’harmonisation ou d’optimisation. Une fois équipé, le processus gagne en clarté et la décision est guidée par la donnée.
2 La transparence de la donnée permet d’identifier des axes d’amélioration de la performance
Le process mining est un facilitateur qui simplifie la production, l’analyse des données et l’identification d’axes d’amélioration des processus-clés de l’entreprise.
Ces outils permettent de produire automatiquement les indicateurs de performance. Les gains de temps sont importants sur toutes les étapes puisque l’extraction, le retraitement, la consolidation et la présentation des données sont automatisés. L’analyse du processus devient dynamique, visuelle et intuitive, avec la possibilité de sélectionner tout ou partie des données, de comparer la performance de différents périmètres, d’identifier les tendances et d’effectuer des analyses causales.
Selon le niveau dans l’entreprise, opérationnel ou stratégique, le même outil pourra être partagé entre les opérateurs, analystes et décideurs. Les revues d’activités gagnent en efficacité, la visualisation de la donnée permet de répondre aux questions soulevées en temps réel. Grâce aux données issues des processus, le process mining permet de mettre en lumière des axes d’amélioration et de révéler des gisements de productivité. Les goulots d’étranglement apparaissent clairement et représentent autant de pistes à exploiter pour les équipes en charge des projets d’automatisation.
3 La donnée au service du contrôle interne :
On l’a vu, la force du process mining est de permettre un accès rapide à l’ensemble des évènements d’un processus. C’est un changement important pour les approches de contrôle interne. Il n’est plus nécessaire de limiter ses contrôles à un échantillon de données représentatif, certains contrôles peuvent être généralisés à l’intégralité des bases. En modélisant son processus cible, les outils de process mining identifient les écarts et peuvent lancer des alertes à chaque fois qu’une déviation significative est identifiée, réduisant ainsi le risque associé.
Le process mining permet à l’organisation d’apprendre et de progresser en évitant de répéter les erreurs du passé et d’évaluer les impacts d’un changement en rejouant les données passées.
En utilisant la puissance des algorithmes de process mining, les DAF peuvent donc faire avancer trois priorités majeures :
- Pilotage de la performance ;
- Optimisation des processus ;
- Maîtrise des risques.
Par quel processus commencer et quelles compétences faut-il mobiliser pour lancer une démarche de process mining ?
Les domaines d’application et cas d’usages associés sont nombreux :
- Finance : délais de paiements clients ou fournisseurs ;
- Supply chain: supervision des stocks ;
- Service client : amélioration du cycle allant de la commande à la livraison.
Les indicateurs de performance peuvent être adaptés selon le processus visé (parcours client, relation fournisseurs, suivi des produits…). Pour identifier le ou les processus-clés à analyser, il faut évidemment faire le lien avec ses enjeux et ses priorités. Le parrainage de la direction et l’implication forte des responsables du processus sont donc nécessaires pour s’assurer que les analyses produites seront réellement bénéfiques.
En envisageant les bénéfices attendus, on inverse la problématique : quels indicateurs divergent sans que j’en comprenne
la cause profonde ? Quels gains pour mes projets d’automatisation ? Quelle étape nécessite une meilleure maîtrise des risques ? Si les réponses à ces questions convergent vers une problématique particulière, c’est sans doute un bon point de départ pour mettre la donnée de votre entreprise au travail !
Durant la phase de mise en oeuvre, une méthodologie Agile est fréquemment observée. Limiter le périmètre permet de mieux cibler les évènements à analyser et de monter en puissance de manière itérative en répliquant l’approche sur de nouveaux périmètres. Mais un périmètre clair n’est pas suffisant pour se lancer dans une démarche de process mining. S’agissant de projets traitant de la donnée, la complexité va s’accroître rapidement si les données ne sont pas structurées ou ne répondent pas à des règles de gestion clairement établies. Des problématiques techniques peuvent également être rencontrées, par exemple si le système visé ne conserve pas les traces des évènements au bon niveau de détail. D’ailleurs, de nombreux indicateurs de gestion ne requièrent tout simplement pas l’utilisation de ces techniques ! C’est la vision dynamique des données et des processus qui rend le process mining particulièrement pertinent.
Mais la clé du succès réside avant tout dans les équipes mobilisées. Si un projet de process mining ne nécessite pas d’avoir constitué au préalable une équipe de Data Scientists, la connaissance du processus et des systèmes associés est en revanche indispensable pour assurer le succès du projet et créer le lien entre les évènements et les données.
Conclusion
Face à l’explosion du volume des données générées par nos systèmes, la stratégie data peut désormais intégrer un volet de performance opérationnelle reposant sur le process mining. La puissance accrue et la précision croissante des algorithmes offrent aux entreprises l’opportunité de valoriser leurs propres données et change la manière d’approcher l’optimisation et le contrôle des processus métiers. Le process mining permet de donner du sens aux données et de créer de la valeur autour des processus de l’entreprise. Comme pour tout projet visant à traiter de la donnée, il convient de définir un objectif clair et de suivre une méthodologie adaptée pour ne pas se perdre. Mais avant tout, il faut construire une équipe autour des personnes maîtrisant le processus et les systèmes associés. Ce sont eux qui seront les vrais alchimistes, seuls capables de transformer les données des systèmes en or ou, tout au moins, en argent!
Guillaume Siccat est un contributeur du comité RPA / Intelligent Automation de DFCG présidé par Armand Angeli. Publié dans Finance & Gestion, le magazine de DFCG, l’institut français des CFO.