Le banquier d’affaires Stéphane Klécha, associé gérant chez Klecha & Co, observe un engouement pour l’automatisation des processus robotiques. Il confirme son impact croissant sur les fonctions ventes et la relation avec les clients.
Après un master en management obtenu à l’ESCP Business School ponctué d’études à Oxford et à Berlin, Stéphane Klécha entre comme analyste des marchés au groupe Lazard à Londres en 1998. Il y crée une nouvelle équipe en charge des placements privés puis d’acquisitions d’entreprise avec laquelle il multiplie les expériences financières en Italie, en Espagne, en France et en Allemagne.
En 2009, il fonde Klecha & Co, une banque d’investissement privée, spécialisée dans les technologies IT et IoT, les logiciels et services informatiques. D’abord à Milan, puis rapidement à New York, à Londres et à Paris, cette banque enregistre une soixantaine d’opérations de fusion-acquisitions, dont une quinzaine en cours actuellement.
« Une partie des projets que nous suivons sont des levées de fonds pour des sociétés qui opèrent dans l’IA ou dans l’automatisation des process (RPA). Les données de marché soutiennent cet engouement croissant pour le RPA, la robotique et l’IA, » observe Stéphane Klécha.
C’est un fait, le marché du logiciel RPA devrait atteindre près de 2 milliards de dollars à la fin de cette année 2021, le cabinet Gartner soulignant qu’il s’agit de l’un des segments du marché des logiciels d’entreprise qui connaît la plus forte croissance.
Le marché mondial des logiciels RPA
Une croissance ponctuellement freinée en 2020
On distingue sur le graphique ci-dessus que la forte croissance annuelle de 2019 (62,5%) a été ralentie considérablement l’an passé – plus de cinq fois, dans un contexte de pandémie -, tout en restant positive et à deux chiffres. Elle devrait être relancée cette année au point de frôler les 20%, estime le Gartner.
La majorité des cas d’usage actuels de logiciels RPA se situe encore dans le domaine des opérations de back-office. Mais, d’ici à la fin 2023, on prévoit une augmentation de 30% de l’utilisation de la RPA pour les fonctions ventes et la relation avec les clients ou avec les citoyens.
Rappelons que l’automatisation des processus robotiques – RPA (en anglais) – consiste à utiliser des logiciels dotés d’intelligence artificielle (IA) et de capacités d’apprentissage automatique pour traiter des tâches répétitives qui nécessitaient auparavant l’intervention de l’homme. Ces tâches peuvent inclure des requêtes, des calculs et la mise à jour de bases de données. L’engouement des décideurs s’explique, dès lors, par plusieurs bénéfices combinés :
« Le logiciel de RPA aide l’entreprise avec un lourd historique de processus à se réinventer. Il peut être appliqué à nombreux domaines avec une rapidité impressionnante. L’optimisation de chaque processus peut créer beaucoup de valeurs, sans exiger un projet IT très complexe. Le plus délicat consiste à bien gérer le volet social ; plus simple avec de petites équipes, » observe-t-il.
Trois types d’usages principaux
Les technologies RPA se répartissent en trois grandes catégories : les bots augmentés, les bots supervisés et les bots autonomes. Stéphane Klécha fournit des exemples pour chacun d’eux :
« Le robot autonome exécute des tâches sans intervention humaine. Il est programmé pour interagir directement avec les systèmes IT et pour prendre en charge un processus de bout en bout. C’est un objectif technique et technologique mais qui est encore aujourd’hui plus proche de la science-fiction que de la réalité ».
L’automatisation de type RPA supervisée prend la forme d’un assistant logiciel conçu pour travailler aux côtés d’un salarié plutôt qu’à sa place : « Le bot effectue une partie du processus au sein de workloads plus longs et plus complexes, qui ne peuvent être automatisés de bout en bout. L’assistant est alors déclenché à la demande. Un opérateur de centre d’appel pourra lancer un tel bot tandis qu’il répond à l’appel d’un client. Le bot récupèrera des informations sur celui-ci dans diverses applications et les mettra à sa disposition. Un responsable des achats et des approvisionnements pourra lancer un autre bot afin de comparer un bon de commande, une facture et un avis d’expédition. »
Avec le RPA hybride, des fonctionnalités d’Intelligence Artificielle viennent enrichir l’assistant numérique : « Un tel bot pourra utiliser le traitement du langage naturel – NLP (Natural Language Processing) et NLU (Natural Language Understanding) – pour écouter une conversation, l’analyser en temps réel et utiliser des éléments comme des mots-clés afin de fournir des informations qui aideront un humain à prendre des mesures adéquates. Le RPA hybride est le plus souvent utilisé dans des scénarios de relation clientèle, où il aide à mieux gérer les besoins des clients au cours de leurs interactions. »
Une masse critique à atteindre
Dans le secteur de la santé, la RPA intervient pour gérer les dossiers des patients, les demandes de remboursement et l’accompagnement des patients, mais aussi les comptes, la facturation, les rapports et l’analytique.
Au niveau d’une DRH, la RPA permet d’automatiser la gestion de l’intégration et du départ des collaborateurs, la mise à jour des informations concernant les employés et le traitement des feuilles de présence.
La RPA tient également sa place dans la gestion des approvisionnements, l’automatisation du traitement des commandes et des paiements, la surveillance des niveaux de stock et le suivi des expéditions.
Parmi les usages récents de la RPA, l’analyse continue des polices d’assurance se développe beaucoup. Dans quel but ? « Pour optimiser les propositions et guider les équipes marketing. Les connaissances ainsi recueillies contribuent à développer de nouvelles offres de services, à explorer des relais de croissance ou des niches de marché, » note le banquier.
L’éditeur Expert System de Modena (Italie) est né en 1989 autour du développement de technologies sémantiques. Associées aux statistiques, ces algorithmes accélèrent l’automatisation de processus, via une structuration des données en amont. Expert System propose une suite d’outils IA pour l’entreprise capable de propager des connaissances fondées sur la compréhension du langage naturel ; cette suite est retenue dans les secteurs de l’énergie, l’industrie pharmaceutique, la défense, les administrations, la banque et l’assurance : « Lors d’événements imprévus, comme le tsunami de 2004, la plateforme experte permet une gestion plus dynamique des activités. A partir de l’analyse des contrats, elle fournit des études d’impact en quasi-temps réel. Dans d’autre contextes, l’application de technologies RPA dans le domaine de l’assurance aide à formuler des offres limitées dans le temps, sur une partie du marché, sur certaines plages horaires, des zones géographiques ou sur une clientèle particulière » explique Stéphane Klécha.
Il ajoute que de telles solutions, pour être adoptées largement, doivent passer à l’échelle et être en mesure de conquérir des milliers de clients dans le monde. L’approche cloud s’impose donc.
« La taille devient fondamentale pour imposer des solutions RPA. Les GAFAM, ces géants américains du cloud, sont capables d’offrir des suites de services intégrant la bureautique, le travail collaboratif, l’IA et les logiciels de RPA. Face à eux, l’Europe n’a que quelques ESN d’envergure comme Atos ou Sopra Steria et quelques prestataires cloud internationaux tel OVH. La fusion entre des opérateurs avec ces caractéristiques pourrait paraître encore loin, mais de mon point de vue, la recherche de masse critique à l’échelle globale bousculera de manière significative les modèles actuels de développement. »
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