Des équipements de ski Salomon aux raquettes de tennis Wilson en passant par les montres Suunto, Amer Sports règne sur une douzaine de marques qui pèsent dans le business sportif. A la tête du Centre de Services Partagés Finance d’Amer Sports à Cracovie en Pologne, Hervé Hachet alimente les besoins opérationnels des équipes du groupe en Europe, en Amérique du Nord et en Australie.
Créé en 2012, le CSP a concentré des ressources sur l’amélioration continue et commencé à automatiser des tâches à partir d’un environnement Microsoft. En 2019, le centre signe un partenariat avec UiPath et, depuis, multiplie ses robots. Hervé Hachet partage l’expérience de son adoption de la RPA.
Comment avez-vous basculé vers l’automatisation ?
Améliorer les process nécessite des outils. Le premier outil que nous avons exploité était constitué de macros Excel qui ont évolué petit à petit vers des robots créés dans un environnement Microsoft qui est devenu de plus en plus sophistiqué et qui était supervisé par un acteur local à Cracovie. Comme l’objectif d’un CSP est de réaliser des économies, nous avons puisé dans nos équipes les collaborateurs intéressés par le développement, les améliorations et, bien sûr, les formules Excel pour constituer le noyau dur de notre service d’automatisation.
La mise en place de l’organisation a pris près trois ans car je n’avais pas de budget au départ. Lorsque le nombre des robots créés a dépassé la soixantaine, nos services IT se sont penchés sur les enjeux des développements en cours et ont décidé qu’un second fournisseur serait le gage d’une meilleure structuration et d’une sécurité accrue pour protéger les services sensibles. Leur choix s’est alors porté sur UiPath. Aujourd’hui tout le process mining est assuré en interne, tandis que le développement est réalisé en externe, faute de ressources et de compétences.
Quelle a été la phase la plus délicate dans cette approche ?
Le financement des projets est un volet important. Malgré une absence de budget au démarrage, nous avons pu bâtir un socle relativement peu coûteux en nous appuyant sur les licences Microsoft que nous possédions déjà. Toutefois, une entreprise qui se lance dans la RPA doit prévoir un investissement conséquent et un retour sur cet investissement relativement long. Dans l’idéal on devrait adapter les processus à la RPA, mais lorsqu’on poursuit une activité comme la nôtre qui implique plusieurs marques, des implantations presque dans le monde entier, des usines, des centres de R&D et différentes entités avec des process dispersés, la standardisation est certainement le projet le plus difficile à mener.
Où en est aujourd’hui votre production de robots ?
Nous possédons environ 150 robots implémentés. Une centaine est dédiée aux activités financières classiques, mais également à la conformité, par exemple le contrôle de la TVA. Nous fournissons par ailleurs de plus en plus de robots à d’autres pôles du groupe qui n’interviennent ni dans la finance ni directement dans notre CSP. C’est le cas pour des services marketing pour qui nous avons développé un robot capable d’identifier dans des centaines de sites web le nombre de fois où un de nos produits est nommé puis de fournir une analyse contextuelle précieuse.
Un autre robot a été conçu pour indiquer à un représentant sur le terrain la disponibilité des articles en stock de manière plus actualisé, sans avoir recours à un énorme système d’ERP. Un autre encore a été réalisé spécifiquement pour optimiser la réactivité des équipes support des services IT lorsqu’un ticket d’incident est généré par e-mail par un utilisateur : ce robot analyse le contenu des tickets avant de les dispatcher vers différents responsables et prend donc la place d’une personne qui distribuerait les tickets d’incident à son équipe.
Quel ROI avez-vous constaté ?
Au-delà du retour sur investissement quantitatif, il y a un retour sur investissement qualitatif, en particulier parce que notre CSP fournit des services à d’autres fonctions du groupe Amer Sports. Par exemple, pour remplacer le travail fastidieux de mise à jour des données commerciales effectué tous les mois par un représentant, nous avons créé un robot qui exécute cette tâche tous les jours, ce qui se traduit par de meilleures ventes puisque les données mises à jour plus fréquemment sont plus pertinentes et donnent aux commerciaux accès à une meilleure information. Grâce à la RPA, nous avons automatisé 15 % de nos process financiers sur une période de 4 ans, ce qui est tout de même intéressant pour un centre qui emploie 250 personnes.
On est loin des 90 % d’automatisation annoncés par certains acteurs du marché qui manient plutôt la langue de bois. En tout état de cause, nous calculons le ROI d’un robot avant de le fabriquer. Il faut bien sûr ensuite confirmer ce ROI, mais nous n’avons jamais rencontré de mauvaises surprises. Le coût de fabrication d’un robot varie entre 5000 et 10 000 euros, cela comprend le coût des licences et celui de la programmation du robot. Il faut y ajouter l’analyse des process et la maintenance des robots car la nécessité de régler les dysfonctionnements se présente immanquablement.
Comment voyez-vous évoluer l’exploitation de la RPA dans vos activités ?
La rupture technologique qui rendrait des robots suffisamment intelligents pour remplacer une personne n’est pas encore là. Encore une fois, la plus grande difficulté que nous rencontrons est non seulement de parvenir à standardiser chaque process, mais de le rendre le plus rationnel possible. Et il faut reconnaitre que la rationalité n’est pas toujours présente dans le domaine de la finance. Un exemple un peu dramatique : si on cherche à automatiser le cash collection, il suffit de changer de business, abandonner la vente réalisée par des représentants qui passent dans les magasins et la digitaliser.
Dès lors, les clients payent leurs commandes sur Internet et n’ont plus besoin d’être appelés. On vend avec une application et non plus à travers un customer service. Cela illustre le fait que c’est en fonction des ruptures technologiques business qu’on automatiser la finance. La transformation digitale des entreprises est en marche et ne va pas s’arrêter. Dans notre groupe, 25 % des ventes sont aujourd’hui réalisées par Internet, alors qu’il y a 10 ans, elles ne pesaient pas plus de 5 %. Pour accompagner ce changement, nous avons très tôt mis en place des sessions de vulgarisation autour de la RPA, avec une approche bottom up qui a servi à recueillir des idées et des suggestions de la part de nos collaborateurs.
Nous privilégions à présent une approche top down pour cibler un service ou une marque en particulier et revoir alors tous les process en jeu. Ce que nous perdons éventuellement en termes d’adhésion des salariés par rapport à un projet, nous le gagnons en rapidité d’exécution. D’autant que pour identifier les meilleures opportunités d’automatisation nous confions de plus en plus à des robots dédiés le soin de réaliser du process mining sur le travail d’équipes volontaires. Finalement, c’est désormais sous l’angle de l’automatisation que nous envisageons tous nos process, quitte à les remettre en question en nous attachant à appliquer ce que les anglo-saxons nomment le thinking out of the box. Mais adapter des processus financiers qui existent depuis longtemps pour qu’ils tirent le meilleur parti de la RPA est une approche qui demande de nombreuses expertises.