Arnaud Greffet, directeur de Safran Finance Services, le Centre de Services Partagés Finance du groupe Safran, partage son expérience sur la robotisation des processus.
Comment vous êtes-vous intéressés à la RPA ?
Je suis à l’origine de la création du CSP Finance, que nous avons voulu organiser comme une usine, en rassemblant toutes les personnes au même endroit, mais aussi en commençant à réfléchir à ce que pourrait être un CSP virtuel, bien avant l’arrivée du covid. Nous avons mis en place puis standardisé du QRQC et du lean, et, lorsque nous sommes arrivés au bout des modèles, nous avons cherché à optimiser nos ERP en éliminant les tâches répétitives à travers l’automatisation. Le potentiel du RPA a été évident.
Comment avez-vous abordé votre projet, avec l’aide d’un prestataire ou en misant sur des ressources internes ?
Je n’ai jamais été un grand fan des consultants qui réinventent la roue et qui vous expliquent comment vous devez travailler chez vous. Nous avons simplement consulté plusieurs éditeurs. Mais c’est finalement le PoC que nous avons lancé avec UiPath et Accenture qui a été déterminant. Il impliquait des représentants métiers et IT de Safran et des programmeurs de ces sociétés. Nous avons ensuite progressé sur la formalisation des tâches d’automatisation qui avaient déjà été mises en évidence par le lean, sans recourir à un prestataire externe, sauf pour le volet programmation des robots.
Quelle est la phase la plus délicate à réaliser lorsqu’on se lance dans un projet de RPA ?
Le RPA, c’est avant tout une question de maturité, beaucoup d’entreprises achètent des outils mais ne savent pas quoi en faire. Chez Safran, nous n’avons pas confié le RPA au département de l’informatique mais à celui de l’amélioration continue, car on robotise un processus répétitif et mature. Un piège est de considérer qu’une fois mis en place, le RPA s’autogère. Ce n’est pas le cas, il faut continuer à monitorer les processus, ne jamais s’arrêter de s’en occuper. On n’imagine pas un manager ne plus occuper de ses équipes, alors même que la robotisation est censée remplacer des forces vives dans l’entreprise. Le marché évolue, la législation aussi, Il faut garder un regard constant sur le RPA.
Combien de temps met-on pour pouvoir exploiter un premier robot ?
L’usage d’un robot effectif prend un ou deux mois. C’est le travail sur le process, en particulier sa formalisation, sa rationalisation, son optimisation qui prennent le plus de temps, la programmation d’un robot complexe se fait, elle, en une quinzaine de jours.
Quels sont vos services qui exploitent de la RPA ?
Nous possédons l’équivalent de 150 robots affectés à la comptabilité fournisseurs et à la comptabilité clients. Nous nous penchons désormais sur les immobilisations. Mais j’ai stoppé volontairement la production de robots car en interne beaucoup de personnes n’ont pas encore le niveau. Pour éviter de tomber dans le syndrome « ce n’est pas moi, c’est la machine », il faut qu’elles soient capables de déterminer ce qu’elles attendent réellement des robots et qu’elles soient également en mesure de contrôler ce que font les robots tous les jours, toujours dans le cadre de l’amélioration continue. Nous avons idéalement besoin de gens qui comprennent la compta ou la finance, qui sachent programmer et qui connaissent le lean management. Nous allons donc leur fournir l’expertise qui leur manque encore avant d’aller plus loin.
Quel ROI avez-vous constaté ?
Un robot délivre soit un ROI, soit de la qualité, soit de la QVT. ROI et qualité sont deux volets relativement simples à appréhender, la qualité de vie au travail l’est un peu moins. Je peux par exemple développer un robot pour qu’un salarié finisse sa journée à des heures normales, mais qu’en est-il du cadre, dont on sait en France qu’il n’est pas payé en heures supplémentaires ? Dans son cas je n’obtiens pas de ROI mais une QVT… avec les outils mis aujourd’hui à notre disposition, on oscille souvent entre productivité et QVT. Chez Safran, nous n’aurions pas mis en place 150 robots si cela n’était pas efficace, mais nous ne parlons jamais de ROI ni ne comptons combien d’emplois nous avons éventuellement diminué.
Quels sont vos prochains objectifs ?
Au-delà de l’amélioration de la supply chain, notamment pour accélérer le paiement de nos fournisseurs, nous avons lancé plusieurs chantiers, en particulier celui process mining, d’une part pour être en mesure de s’appuyer sur des données tangibles et d’autre part pour consolider nos approches de la conformité. Nous avons également en ligne de mire 2023, et l’obligation d’exploiter la facture électronique.